Les 1er et 2 mars 2023, j’ai assisté à la conférence DX3 à Toronto. La présentation que j’ai le plus apprécié (et de loin) est celle du Chief Commercial Officer de Staples Canada, James DeFranco, sur les tendances immédiates dans le commerce du détail.
Grâce à la position privilégiée de Staples sur le marché, il a une vision disons plutôt complète des enjeux et j’ai beaucoup apprécié sa candeur et son ouverture. Lors de son intervention, il a mentionné une dizaine de changements majeurs. Sans les couvrir tous, je vais me concentrer sur les aspects qui m’apparaissent les plus pertinents pour les détaillants canadiens.
Crédits photo DX3 Canada
1. Les nouveaux comportements : santé et précarité
Nous le savons tous, la pandémie a eu un effet marquant sur les habitudes de consommation, et certains effets sont là pour durer. Prenons par exemple toutes les discussions sur la santé autant physique que mentale. Les détaillants doivent en parler et répondre à ces nouvelles demandes, que ce soit au niveau de l’assortiment en offrant des produits ergonomiques et bénéfiques, ou dans la manière de communiquer. Cela semble évident mais c’est un changement fondamental selon moi. Le fameux « we’re in it together » doit passer de la parole aux actes.
Dans un autre ordre d’idée, toute la notion de précarité économique commande également des changements. Cela se traduit par proposer des méthodes de paiement plus adaptées, comme des mensualités ou des offres de financement. Cela vaut pour bien d’autres choses que l’achat de voiture ou de voyage ici!
2. Le magasin comme expérience
Non, le e-commerce n’a pas tué le magasin, loin de là! En revanche la façon de magasiner change. Le magasin se transforme en lieu d’expérience, chose qu’un site web ne pourra jamais totalement faire. À la place de rayons et rayons de produits (les mêmes que l’on retrouve en ligne), le magasin devient un endroit pour manipuler, essayer, choisir, tester. Par exemple dans le cas d’une chaise pour le travail, un consommateur va en essayer plusieurs modèles en magasin, mais peut ensuite commander en ligne tout ce qui est « commodités » comme un clavier, une souris, du papier, etc…
Évidemment cela reste plus facile à dire qu’à faire mais l’idée est de revoir la place du magasin versus celle du e-commerce, et ne pas simplement vouloir copier la même expérience sur les deux canaux.
3. Le magasin comme centre de services
Dans la même veine de transformation du magasin, il faut aussi revoir son offre et penser beaucoup plus loin que la simple vente de produits. Pourquoi ne pas devenir un centre de collecte de colis, et ce peu importe la marque? Ou encore offrir des espaces de travail dans le cas de Staples? Avec le travail hybride, les détaillants doivent penser en fonction des nouvelles attentes et comportements de ces nouveaux segments de consommateurs et aller au-devant.
Les employés hybrides n’ont plus les services qu’un bureau au centre-ville leur procurait, mais leurs besoins ne sont pas disparus pour autant! Que ce soit des services d’impression, de livraison, de réservation de salles, voire de conciergerie et d’administration, il y a un réel besoin à combler.
4. L’omnicanalité ne fait que commencer
Dans un monde idéal, un consommateur a un panier d’achat qui le suit partout peu importe le canal choisi : site web, magasin, mobile, etc… Il existe certes des défis opérationnels et surtout de données, mais cette tendance lourde est là pour rester.
De manière plus concrète, cela veut dire qu’un client ABC peut aller en magasin, essayer des produits, les rajouter à son panier d’achat sur son mobile, et une fois rendu à la maison ouvrir le site e-commerce et continuer son processus d’achat. A l’heure actuelle qui offre cette continuité? Est-ce qu’un préposé en magasin sait que Monsieur ABC est le même qui vient de commander 5,000 dollars de fournitures en ligne? Poser la question c’est y répondre.
La technologie pour le faire existe, et les premiers détaillants qui vont réussir ce pari vont mettre la barre haute. Cela existe déjà en Europe et en Asie, et inévitablement cela va devenir la norme au Canada.
5. La fin du “greenwashing ” ?
Les consommateurs, surtout les plus jeunes, posent des questions… et veulent des réponses! Quelles actions concrètes les détaillants font pour réduire leur empreinte carbone, pour « verdir » leur chaine d’approvisionnement, pour offrir des produits écologiques, pour en tracer l’origine? Au niveau du personnel, est-ce la diversité existe vraiment, notamment au niveau de la direction?
Ces questions ne peuvent plus être « répondues » par de belles campagnes marketing. Ce qui est intéressant aussi c’est que la responsabilité sociale des détaillants devient un facteur déterminant pour la marque employeur, presque plus que pour l’impact sur les ventes. Et dans un contexte de pénurie de main d’œuvre, il faut agir plus tôt que tard.
Voilà cinq observations qui ne sont pas des prédictions pour 2030, mais de réels changements qui sont déjà en cours. Discutons-en ensemble, et surtout agissons!
Pierre-Yves Tournier
Associé-Directeur